💰⏱ Pourquoi travailler plus fait "vraiment" gagner plus (Partie 3/3)
#5 - Comment estimer la valeur du temps de travail d'un "forfait jours"
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J’espère que vous allez bien ! Je suis heureux de vous retrouver pour la troisième et dernière partie de cet article consacré au décryptage du “temps de travail” et de ses implications sur votre rémunération 💶. Celle-ci sera consacrée aux “Forfaits jours”.
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Résumé de l’article
Près d’un cadre sur deux décompte son temps de travail à la journée. Ces cadres au forfait jours touchent une rémunération plus élevée en moyenne de 5% par rapport aux autres cadres selon la DARES.
Ce système de décompte ne permet pas l’accomplissement d’heures supplémentaires. En revanche, il est possible de réaliser des jours supplémentaires, c’est-à-dire des jours réalisés au-delà du nombre de jours prévu normalement dans le forfait. Cela revient un peu à monétiser du temps de repos non pris (comme des RTT sans être des RTT!). La majoration brute de ces jours est d’au moins 10%. Mais cette majoration est en réalité au moins de 25% si l’on raisonne en net d’impôt et de charges grâce à des exonérations de charges et d’impôt.
Finalement, gagne-t-on davantage à travailler en forfait jours? Sur l’année, a priori oui, ramené au taux horaire, c’est une autre histoire… 🤔
Si vous voulez tout comprendre du sujet, c’est par ici ! 👇
Nous l’avons vu dans les deux premières parties, l’accomplissement d’heures supplémentaires, directement payées ou compensées par des RTT monétisés, s’avère particulièrement avantageux : le taux horaire de ces heures réalisées au-delà de la durée légale de travail rapporte plus de 40%, par rapport à une heure de travail “habituelle” (sur la base de l’application d’une majoration légale de l’heure supplémentaire à 25%).
Cependant, la moitié des cadres ne peuvent pas bénéficier de tels systèmes car leur temps de travail n’est pas décompté en heures mais en jours. C’est ce que l’on nomme les “Forfaits jours”. Dans cette dernière partie vous comprendrez le fonctionnement de ce système de décompte et saurez comment valoriser les jours de repos de ces forfaits (ceux que l’on nomme à tort “RTT”). Vous saurez également apprécier le mode de décompte de temps de travail le plus avantageux en matière de rémunération nette d’impôt et de charges.
Regardons le sujet de plus près.
Quelques éléments de repère
Le forfait jours est un mode de décompte du temps de travail qui concerne principalement les cadres selon la dernière étude de la DARES à ce sujet1 :
En 2014, 47% des cadres👨💼 bénéficient d’un forfait jours
Seuls 3% des non-cadres👷♀️ sont concernés par ce type de décompte
13% des salariés (toutes catégories confondues) sont concernés par ce mode de décompte
Cette même étude fournit des données intéressantes, bien qu’anciennes (2010), sur la rémunération et la durée exacte du temps de travail des salariés au forfait jours :
La durée moyenne hebdomadaire des salariés au forfait jours était alors de 44,6 heures (contre une durée moyenne de 39 heures pour l’ensemble des salariés à temps plein)
Ils travaillaient en revanche 3 jours de moins par an que la moyenne des salariés (212 jours contrat 215 jours pour la moyenne des salariés à temps plein)
En moyenne, les cadres au forfait touchaient 62 K€ brut annuel💰, soit 5% de plus que les cadres à l’horaire.
Tout cela nous permet d’avoir un ordre d’idée sur l’utilisation de ce système par les entreprises. Mais, comment fonctionnent les forfaits jours précisément?
Je vous propose d’y jeter un oeil 🔍.
Comment fonctionne un forfait jours ⏱ ?
Le principe même du décompte au forfait jours est de travailler un certain nombre de jours par an, sans décompte des heures réalisées. Attention, cela ne signifie pas que ces salariés sont corvéables à merci durant leurs jours de travail. Il convient tout de même de veiller:
au respect d’un temps de repos quotidien (11 heures par jour)
au respect d’un temps de repos hebdomadaire (35 heures consécutives)
Cela signifie tout de même qu’un salarié au forfait jours pourrait travailler 78 heures (en respectant un repos de 11 h chaque jour et en enlevant un jour de repos par semaine, on peut travailler 13 h par jour durant 6 jours) , ce qui fait beaucoup !
Aussi, législateur et juges sont venus poser quelques garde-fous. Les entreprises doivent mettre en place des mesures propres à s’assurer que la charge de travail ne soit pas disproportionnée, que le salarié puisse bénéficier d’un équilibre entre sa vie personnelle et professionnelle, le tout afin de préserver sa santé.
Les 78 heures hebdomadaires devraient donc rester très théoriques !
Revenons donc au décompte du nombre de jours annuels. Si l’on s’en tient à la lecture du Code du travail, les salariés au forfait jours doivent travailler 218 jours par an.
Concrètement, cela signifie que l’année d’un salarié au forfait à 218 jours se décomposera de la manière suivante :
218 jours travaillés 🛠
104 jours de weekends 🏠
25 jours de congés payés 🏖
8 jours fériés chômés tombant en semaine (en moyenne) 🇫🇷 🎉 ⛄️
10 jours “non travaillés” souvent nommés à tort RTT (à tort car il ne s’agit pas de jours permettant de réduire le temps de travail puisqu’on ne décompte pas les heures travaillées - cf. deuxième partie de cet article😉).
Ce schéma est en réalité variable : le nombre de jours “non travaillés” variera en fonction du nombre de jours fériés chômés tombant en semaine. Ainsi, si l’année compte 7 jours fériés chômés tombant en semaine, le salarié en forfait 218 jours bénéficiera de 11 jours “non travaillés”. Ces jours non travaillés constituent la “variable d’ajustement” car le nombre de 218 jours travaillés ne varie pas.
🚨 Si vous êtes malade, les jours de maladie ne viennent pas réduire votre nombre de jours non-travaillés ou de congés. Ils sont décomptés dans le forfait comme un jour travaillé.
🚨 Si vous avez la chance d’avoir des congés supplémentaires, ces jours doivent normalement venir diminuer le nombre de jours travaillés de votre forfait (sauf dispositions prévoyant expressément le contraire, mais dans ce cas, ce n’est plus vraiment un congé supplémentaire).
Les conventions collectives ou accords d’entreprises peuvent tout à fait prévoir un forfait jours moins important. Quelques exemples de conventions collectives :
🖥 celle des cabinets de conseils (dite du Syntec) prévoit un forfait jours à 2182 jours, identique aux dispositions légales
🛒 celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (grande distribution) a mis en place un forfait à 216 jours3
📑 celle des agences générales d’assurance fixe un forfait annuel à 215 jours4
🏦 celle de la banque prévoit un forfait annuel à 210 jours5
Qui dit moins? 😉
🚨Les entreprises peuvent quant à elles mettre en place une durée de forfait différente (plus haute comme plus basse) de celle prévue dans la convention collective qui leur est applicable (sans dépasser 218 jours). Elles doivent, pour ce faire, négocier un accord d’entreprise avec les représentants des salariés.
Ce nombre de jours n’est pas sans incidence sur votre rémunération car :
à rémunération annuelle équivalente, un jour de travail est mieux payé dans la banque 🏦 que dans le conseil en informatique 🖥
vous percevez des jours majorés dès le 211ème jour de travail dans la banque, dès le 219ème dans le conseil informatique
Des jours majorés? De quoi s’agit-il ? Nous allons regarder ce point en détails🔍.
La majoration des jours réalisés au-delà du forfait
Comme je vous l’indiquais, le décompte au forfait jours permet de fixer un nombre de jours travaillés par an qui peut varier d’un secteur d’activité à l’autre et d’une entreprise à l’autre. Dans tous les cas, il ne s’agit pas d’un nombre maximal de jours travaillés par an car il est toujours possible de travailler plus… pour gagner plus 😉.
En pratique, des jours supplémentaires sont accomplis à partir du moment où tous les congés payés dûs au titre d’une même année ont été pris et que le nombre de jours travaillés dépasse celui au forfait. Cela implique donc de rogner sur les “jours non travaillés” (les “RTT mal nommés”) ou sur les weekends.
🚨Pour réaliser des jours supplémentaires, il faut que le salarié et l’entreprise conviennent au préalable de l’accomplissement de ces jours supplémentaires et de la majoration associée par avenant, une fois par an.
Ces jours donnent lieu à une rémunération supplémentaire💰 d’au moins 10% (les conventions collectives et d’entreprise peuvent prévoir des taux de majoration supérieurs). Cela revient, en quelque sorte, à monétiser un jour de repos non pris. La rémunération de ces jours bénéficie d’une exonération d’impôt (dans la limite de 7500 euros brut de jours supplémentaires par an) et d’une exonération de charges sociales, identiques à celles des RTT monétisés.
Vous pouvez retrouver les exemples chiffrés et le détail du mécanisme dans la deuxième partie de l’article:
👉 Pourquoi travailler plus fait "vraiment" gagner plus (Partie 3/3)
Pour calculer combien vaut un jour supplémentaire en salaire net d’impôt, on peut appliquer la formule simplifiée suivante :
👉 Jour sup. = (Salaire mensuel / 22 (jours en moyenne par mois) x (1+10%)) x (0,9)
🚨 la division du salaire mensuel par 22 permet d’avoir la “valeur” brut d’un jour de travail (les conventions collectives peuvent faire varier ce calcul mais l’ordre d’idée reste le même).
(1 + 10%) permet de majorer la journée (attention, le taux peut être supérieur à 10% et il faudra alors veiller à bien remplacer cette partie du calcul).
(0,9) renvoie à un taux de charges sociales approximatif sur ces journées supplémentaires. Il n’y aura pas d’impôt sur le revenu dans la limite de 7500 euros brut par an.
Si le régime d’imposition de ces jours supplémentaires est identique à celui des RTT monétisés, cela reste deux dispositifs bien distincts. Je vous explique les principales différences dans cette petite infographie :
Au final, est-ce qu’un salarié au forfait jours gagne “mieux” sa vie qu’un salarié à l’horaire? Prenons l’exemple de Paul 👨🦱 qui compare son salaire sur une base 39 heures avec son ami Martin 🧔 qui bénéficie d’un forfait jours.
Forfait jours versus 39 heures / semaine : qui sera le gagnant? 🏆
Paul, jeune cadre dynamique, touche une rémunération de 41.700 euros brut par an (ou 3475 euros par mois), pour un horaire hebdomadaire de 39 heures (c’est ce qui est prévu au contrat et c’est globalement cohérent avec les horaires qu’il réalise). Il dispose de 5 semaines de congés payés en plus des jours fériés tombant la semaine (environ 8 par an).
Cela représente, une fois les impôts (en appliquant le barème 2022 pour les revenus de 2021) et les charges payés, 30.804 euros par an.
Vous pouvez tout comprendre du détail de ces calculs dans la première partie de cet article : 👉 Pourquoi travailler plus fait "vraiment" gagner plus (Partie 1/3)
Son ami Martin, touche une rémunération identique. Cependant, Martin travaille au “forfait jours”. Il pense être mieux loti que Paul car, en plus de ses 5 semaines de congés payés, il bénéficie de 10 jours non travaillés en moyenne par an, en plus des jours fériés chômés. A-t-il raison?
Pour le savoir, calculons son revenu net après impôt et charges sociales et comparons le à celui de Paul :
Nous constatons que Paul gagne en réalité plus de 5% de net en plus ! (pour réaliser le calcul de l’impôt, nous avons considéré qu’ils étaient tous les deux célibataire).
Pour quelle raison?
Il faut simplement comprendre que Paul bénéficie d’exonérations de charges sociales qui lui permettent de gagner près de 50 euros en plus que Martin chaque mois. Par ailleurs, ces mêmes heures supplémentaires ne sont pas assujetties à impôt. Son salaire net imposable mensuel est donc inférieur d’environ 300 euros par rapport à celui de Martin, ce qui s’en ressent au final sur le calcul de l’impôt sur le revenu.
Je vous invite à consulter un article complètement dédié au sujet si vous voulez mieux comprendre le calcul de l’impôt sur le revenu :
👉 Comment estimer son impôt sur le revenu et le montant de ses prélèvements à la source ? (Partie 1/2)
Cela étant précisé, Martin bénéficie tout de même de 10 jours de repos en plus de Paul. Mais que valent ces jours?
Majorés à 10%, si l’employeur de Martin acceptait qu’il travaille 10 jours supplémentaires, il toucherait environ :
👉 (3475 / 22 x 1,10) x 10 x 0,9 = 1560 euros net en plus
Cela permet finalement à Martin de gagner autant que Paul.
Autant, très bien, mais pour quel temps de travail réel?
A l’année, Paul👨🦱travaille 39 heures par semaine durant 45,5 semaine par an (52 semaines - 5 semaines de CP - 8 jours fériés). Si Martin🧔 ne prend pas ses 10 jours de repos et qu’il travaille autant que la moyenne des salariés au forfait, il travaillera 44,5 heures par semaine durant 45,5 semaine par an.
Au total, Paul travaillera environ 1775 heures dans l’année contre 2025 heures pour Martin. Ramené au taux horaire, Paul gagnera donc 17,35 euros net d’impôt de l’heure, Martin 15,21 euros.
Dit autrement, Paul travaillera 250 heures de moins que Martin pour une rémunération identique. Et ce temps c’est potentiellement de l’argent. Il a en tout cas de la valeur pour Paul👨🦱 qui peut l’occuper à autre chose.
En fait, pour avoir un taux horaire identique à celui de Paul, Martin devra gagner 14% de plus en net d’impôt.
Conclusion
Que retenir de tous ces chiffres?
Comprenez simplement que rémunération et temps de travail sont deux sujets indissociables. Il est toujours important de rapporter ce que vous gagnez au temps que vous y consacrez!
Aussi, une rémunération en forfait jour plus importante ne vous rémunérera pas forcément mieux à l’horaire : pensez donc à valoriser l’ensemble du temps de travail sur l’année en prenant en compte les exonérations fiscales et sociales. Les trois parties de cet article vous donnent toutes les clés pour le faire 🤓.
Et si un élément vous échappe, n’hésitez pas à me contacter 😉.
Finalement, travailler plus fait parfois gagner plus et parfois… pas vraiment. Cela dépend beaucoup du système de décompte du temps de travail!
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Vincent 👋
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